Les 8 organisations syndicales UNSA, CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Solidaires et FSU signent un texte commun pour porter leurs exigences.
En France, comme dans d’autres pays du monde, les attaques se multiplient contre les droits des femmes et les inégalités au travail perdurent. Depuis 50 ans les lois se succèdent et ne sont toujours pas pleinement respectées.
C’est un enjeu de justice sociale majeur qu’il faut faire aboutir, ici et maintenant.
Plus d’information sur l’appel à la grève et à la manifestation national sur le site de l’UNSA Territoriaux : Mobilisation le 8 mars pour l’égalité entre les femmes et les hommes (unsa-territoriaux.org)
A la Région, nous demandons toujours un travail systémique pour lutter vraiment – et pas seulement en surface – contre les inégalités.
Nous sommes convaincu.e.s que toute action en faveur de l’égalité bénéficie à tous et à toutes et pas seulement aux cibles directes. Quand un trottoir est aménagé pour permettre aux personnes en fauteuil roulant de circuler correctement, cela facile bien sûr la vie des parents avec une poussette, mais aussi de jeunes parfaitement valides et alertes qui transportent une valise à roulette.
Quand nous luttons pour l’égalité entre les femmes et les hommes, nous demandons d’avancer vers une fonctionnement qui soit sécurisé pour tous et toutes – non, tous les hommes ne sont pas à l’aise avec les blagues graveleuses même s’ils n’en sont pas les cibles directes – mais aussi propice à l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle – des horaires raisonnables permettent aux mères d’aller chercher leur enfant certes, mais de nos jours heureusement des pères souhaitent aussi s’investir dans leur rôle parental, et les collègues qui n’ont pas ou plus d’enfants à charge peuvent – soyons fous – avoir des activités culturelles, sportives, associatives, ou juste le besoin de souffler un peu au calme.
Les représentant.e.s de l’UNSA sont intervenu.e.s dans ce sens lors du dernier Comité social territorial à propos du plan d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Il nous apparaît nécessaire et urgent de construire une politique globale et systémique, le plan d’actions repose sur des actions isolées qui sont positives et utiles, mais ne changent pas réellement la donne en profondeur.
Deux axes de travail pourraient permettre de réellement progresser : une régulation effective du temps de travail et un changement culturel profond.
Temps de travail
Dans le plan d’actions, sur ce point, il n’est considéré que les situations temporaires (maternité) ou négatives (maladie de l’agent.e ou de ses enfants), pas la vie normale avec la nécessité de préserver un équilibre au quotidien, même quand tout le monde est au mieux de sa forme.
Si nous voulons que les collègues arrivent à concilier leurs différentes vies, il est indispensable de construire une approche globale du temps de travail :
- Dans le règlement lui-même, il faut intégrer des dispositions réalistes et équilibrées. Nous n’allons pas détailler ici, nous avons déjà parlé il y a quelques mois dans cet article des déséquilibres flagrants entre la grande souplesse sur tous les dépassements des limites, notamment légales, quand il s’agit de travailler plus que prévu, et la rigidité des règles permettant de respecter le temps de travail légal et de faire reconnaître – par le paiement ou la récupération, le temps supplémentaire. Cela concerne tout le monde, mais il est évident que dans une société où les femmes assument la charge de la majorité des tâches domestiques et parentales, tout dépassement d’un temps de travail raisonnable les impacte plus lourdement dans leur capacité à faire face à toutes leurs responsabilités sereinement.
- Dans la configuration des postes eux-mêmes, dont nous voyons bien qu’elle n’est pas toujours réaliste. Nous en avons déjà parlé à propos des directeurs et directrices réduit.e.s à réclamer des adjoint.e.s pour supporter la charge de travail combinant souvent management, gestion de dossiers en propres, représentation de la Collectivité et positionnement « privilégié » dans tous nos fonctionnements chronophages – circuits de signatures et réunionite. En réalité bien sûr, cela touche bien plus de collègues, y compris en dehors des fonctions d’encadrement. Avec la même mécanique que le point précédent, ce dysfonctionnement global est nuisible pour tout le monde, mais avec un impact plus grand pour les femmes.
Culture institutionnelle
La question de l’égalité est extrêmement peu pensée et intégrée de manière transversale et en profondeur.
- Nous regrettons l’absence d’évaluation de l’impact des mesures globales sur les inégalités. Par exemple, la Région a produit une liste – provisoire – de postes qui pourraient donner lieu à une modulation du régime indemnitaire au titre de l’expertise. A chaud – puisque comme souvent nous n’avons pas eu de documents préparatoires – il m’a semblé que cette liste pouvait aggraver les inégalités salariales déjà importantes, en valorisant spécifiquement les expertises d’ordre technique, plus couramment portées par des hommes, ici comme ailleurs. J’ai donc demandé si la proportion d’hommes et de femmes parmi les titulaires actuel.le.s des postes visés avait été calculée. Et bien non. J’ai eu l’impression que nos collègues en charge du dossier mesuraient très bien l’enjeu que je soulevais, mais n’y avaient pas tout simplement pas pensé en amont.
- Nous regrettons également une attitude passive sur les facteurs déterminants des inégalités en amont. Par exemple, dans les lycées, les postes d’encadrement à temps partiel sont généralement couplés avec un poste de maintenance, plus souvent occupés par des hommes. Si le choix était fait de publier aussi des postes comprenant des missions d’entretien et d’encadrement, il serait bien plus simple de favoriser l’accès de femmes à ces fonctions, passages obligés pour accéder à certains grades comme celui d’agent de maîtrise.
- Nous attendons un réel travail sur les représentations. Régulièrement, quand je pointe la question des inégalités, les représentant.e.s de l’Autorité territoriale me renvoient à des exemples particuliers, comme l’encadrement intermédiaire de la Direction des ressources humaines, longtemps majoritairement féminin. Certes, mais en réalité les métiers des ressources humaines sont très aligné.e.s sur les stéréotypes sur les fonctions sociales féminines qui s’occupent dans l’ombre du fonctionnement de la « maison ». Cela n’est pas du tout réfléchi ni interrogé. De même, nous avons un forte culture du présentéisme et une valorisation du sur-investissement. Une collègue haut placée dans la hiérarchie me racontait il y a quelques années qu’elle était régulièrement mise en cause en réunion, y compris devant le Président et sans que cela ne suscite aucune réaction ni régulation, parce qu’elle avait l’outrecuidance de poser ses RTT. Avec le nombre d’heures de travail à son actif, elle aurait pu facilement bénéficier de deux ou trois fois plus de RTT avec un décompte effectif, mais cela n’importait pas, l’image était celle d’une professionnelle insuffisamment engagée parce qu’elle tenait à passer des vacances avec ses enfants. Là aussi, ce travail bénéficierait à tous et toutes…
- Pas ou peu d’actions en faveur des changements de pratiques informelles comme l’animation de réunion ou les échanges quotidiens entre les cadres et leurs subordonné.e.s, très impacté par les représentations ci-dessus et par des siècles d’habitudes. Bien sûr, il existe des formations sur l’égalité, mais il ne suffit pas de ne pas tenir de propos sexistes pour exercer un management égalitaire. Je me souviens d’une collègue qui formulait auprès de sa hiérarchie des remarques argumentées sur sa fiche de poste, avec des missions qui évoluaient au fil de l’eau et sans concertation, et qui était systématiquement renvoyée à ses émotions supposées et à son ton – qui s’était légitimement durci au fil des échanges – sans obtenir d’arguments rationnels portant sur les missions pour justifier les changements. Les retours sur la régulation de la prise de parole en réunion sont assez fréquents également. Il est nécessaire de former à la fois chacun et chacune à lutter contre notre culture commune ancestrale pour porter l’attention nécessaire à nos réflexes, et à outiller les collègues femmes pour qu’elles puissent évoluer dans le système sans trop en subir les conséquences et sans se remettre en question au-delà du raisonnable. L’exemple des femmes du cabinet d’Obama – qui expliquent leurs expériences et les stratégies qu’elles ont mises en place – permet par exemple souvent aux collègues, femmes ou hommes, de comprendre comment s’organisent les temps collectifs et de contribuer à en faire des espaces plus égalitaires.
L’égalité pourrait aussi constituer pour la Région un terrain d’innovation. Le congé menstruel est un premier pas, mais nous pourrions adopter, au-delà de la diffusion des guides informatifs, une posture réellement pro-active de la nécessaire amélioration de l’implication des pères en promouvant l’exercice de leurs droits, comme le congé paternité et les jours enfants malades. Cela bénéficierait certes directement à des mères qui ne sont pas nos collègues, mais aussi indirectement à nos collègues femmes qui seraient sans doute moins pointées du doigt pour leurs absences.
Enfin, pour les cas les plus graves, le dispositif de signalement est utile mais il ne doit pas être considéré comme l’alpha et l’omega de la lutte contre les situations problématiques : nous savons que certaines situations sont connues, elles doivent être systématiquement prises en charge par l’encadrement, et ne pas reposer sur une seule logique de responsabilisation des victimes.
En conclusion, il est nécessaire d’avoir à côté du plan d’actions, qui est intéressant, une politique globale basée sur l’analyse des raisons des inégalités et sur la prise en compte de cet enjeu. Toute lutte contre les inégalités est d’abord une bataille culturelle à la fois collective pour travailler sur les représentations et l’effectivité de l’exercice des droits, et individuelle, sur la prise de conscience des privilèges.