Temps de travail au siège : quelques progrès mais toujours beaucoup de rigidité et de défiance

Le groupe de travail sur le temps de travail a été réuni le 17 février 2020 à Bordeaux. Nous rendons compte ici des points qui ont donné lieu aux débats les plus longs, l’ensemble de ces changements seront examinés au Comité technique du 10 mars qui fera également l’objet d’un compte-rendu.

Aménagement des semaines des agent.e.s à temps plein : 4,5 jours sur une semaine ou 9 jours sur deux semaines

Cet aménagement est expérimenté dans quelques directions depuis début 2019. Les organisations syndicales ont demandé à de multiples reprises une évaluation de ces dispositions. Nous n’en disposons toujours pas mais nous pouvons supposer qu’elle est positive puisque notre employeur décide de généraliser l’accès à cette option à l’ensemble des agent.e.s du siège. Le Président a accepté cette généralisation pour faciliter la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Nous sommes heureux et heureuses de découvrir pour la première fois une manifestation de cette préoccupation.

Bien sûr, nous sommes toujours à la Région Nouvelle-Aquitaine, cette liberté est donc assortie de toute une liste de restrictions et de contraintes. Tout d’abord, le Questeur nous explique qu’il s’agit de responsabiliser les managers pour assurer la continuité du service entre les temps partiels, le télétravail et cet aménagement. Il faudra notamment neutraliser une demie journée par semaine durant laquelle tou.te.s les agent.e.s seront présent.e.s. Ensuite, cette possibilité ne sera ouverte qu’aux agent.e.s ayant choisi les modalités de 35h10 et 38h10. Il a été annoncé que cette disposition ne serait pas ouverte aux personnes bénéficiant de jours de télétravail.

Le Questeur a expliqué ses restrictions par le fait que ça ne pouvait être « et et et » et la nécessité de maintenir une continuité de la communauté de travail.

Par ailleurs, le nombre de jours de congés, calculé sur la base nombre de jours de travail hebdomadaire sera réduit à 22,5 jours.

Le coût de cette mesure est estimé à 400 000 Euros par an en raison des décisions de passage à temps plein qu’elle devrait logiquement entraîner. Bizarrement cette possibilité n’avait pas été envisagée avant que l’UNSA en fasse la remarque il y a quelques mois. Nous avons cependant préféré alerter avant l’arbitrage afin d’éviter les errements et les contre ordres que cela aurait pu occasionner si la Région s’était aperçue de cette réalité pourtant très prévisible au moment de la mise en œuvre.

Les représentant.e.s de l’UNSA sont intervenu.e.s sur plusieurs points :

  • Nous avons regretté que la Région mélange, dans sa demande aux encadrant.e.s d’organiser les absences, les temps partiels et le télétravail. D’une part le télétravail est une modalité de travail, les collègues concernés sont absents physiquement mais bien en train de travailler et donc de contribuer à la continuité du service public. D’autre part, les agent.e.s en temps partiel, notamment ceux et celles qui en bénéficient de droit, ne travaillent effectivement pas (en théorie en tout cas) pendant cette journée ou demie journée, mais la Région tire un bénéfice de cette situation puisque la part de salaire économisée n’est pas reversée au service, ce qui serait possible en créant des postes de renfort avec les quotités additionnées ou en abondant l’enveloppe de remplacement. Il serait donc particulièrement injuste d’utiliser le même argument pour limiter la possibilité des autres agent.e.s du service de bénéficier de cet aménagement, cela reviendrait à appliquer une double peine.
  • Nous avons contesté l’affirmation faite par l’employeur sur la responsabilisation des encadrant.e.s puisqu’elle est contredite par l’impossibilité d’ouvrir l’accès à l’aménagement aux agent.e.s à 39h10. Les encadrant.e.s disposent des informations nécessaires pour évaluer si chacun.e des agent.e.s à 39h10 a, ou non, la possibilité d’allonger son temps de travail quotidien pour bénéficier de la demie journée libre. [Calcul réalisé après la réunion : Il est probable que bien des collègues à 80% et 90% prouvent déjà leur capacité à travailler en moyenne 4 jours pendant 8h42 et une journée pendant 4h21. En prenant une petite pause déjeuner, il faut arriver à 8h45 et partir à 18h. Ce sont des longues journées mais elles sont malheureusement banales pour nombre d’entre nous.]
  • Nous avons demandé que cet aménagement soit ouvert aux personnes qui télétravaillent 1 jour ou 1 jour et demie, dans la mesure où cela n’entraînerait pas une absence physique supérieure au télétravail sur 2 jours, que nous avons collectivement défini comme la limite pour éviter l’isolement et la destruction des collectifs de travail.

Le Questeur a donné son accord pour ouvrir l’accès à cet aménagement aux personnes qui télétravaillent un jour par semaine.

Report des congés annuels

Jusqu’à présent, les RTT doivent être pris du 1er janvier au 31 décembre et les congés annuels du 1er janvier au 30 avril de l’année suivante.

La proposition de base des représentant.e.s de la Région était de :

  • passer directement, pour les congés annuels, sur une période du 1er janvier au 31 décembre de la même année ;
  • en conditionnant le report jusqu’à fin avril à la demande d’une dérogation fin novembre fondée par exemple sur une absence supérieure à 50% de l’année ou à des absences non remplacées dans l’équipe.

Cette proposition a suscité une levée de boucliers des autres organisations syndicales, les représentant.e.s de l’UNSA ont tenu une position différente :

  • Nous partageons avec les représentant.e.s de la Collectivité l’idée que les congés annuels doivent être pris dans l’année, sans étendre cette année à 16 mois. En effet, les congés ont été décidés par le législateur pour que les salarié.e.s puissent récupérer, se reposer. Prendre ses congés est non seulement fondamental pour la santé physique et psychique mais aussi pour reconstituer nos capacités à travailler.
  • Cela permet en outre d’amoindrir le risque de ne pas bénéficier des jours de fractionnement, dans le cadre des nouvelles pratiques de décompte en usage depuis début 2019, en posant des congés de l’année plus tôt.
  • Nous considérons cependant qu’il est nécessaire de garder une souplesse jusqu’à fin janvier de l’année suivante pour, cela paraît tout bête, pouvoir poser des congés sur la deuxième semaine des congés de Noël et également laisser aux agent.e.s qui se retrouveraient en arrêt de travail au moment des vacances de Noël le temps de demander le report des congés non pris.
  • Nous avons également demandé que ce passage progressif de 16 à 13 mois soit progressif.
  • Enfin, nous avons rappelé que les représentant.e.s de l’UNSA avaient obtenu l’inscription dans le règlement du temps de travail d’un rôle de médiation de la DRH en cas de refus récurrents de congés. Nous avons demandé que cette possibilité soient rappelée aux collègues, qui s’organisent le plus souvent spontanément en fonction de leurs nécessités de services et se heurtent parfois à des refus non justifiés.

A la suite de la discussion, les représentant.e.s de la Région ont accepté d’assouplir leur proposition en fixant l’objectif à la fixation d’une période de 13 mois, du 1er janvier au 31 janvier de l’année suivante, sur plusieurs années, à raison de la réduction d’un mois par an. Il sera également plus facile que prévu d’obtenir une dérogation pour utiliser les congés jusqu’à fin avril. Le Questeur a réitéré à la fin de la discussion qu’il lui tenait à cœur que les agent.e.s prennent leurs congés, ce que nous partageons, même si nous sommes plus sceptiques sur la capacité effective à le faire pour les collègues qui supportent une charge de travail surdimensionnée.

Régimes horaires des non titulaires

Nous avions eu il y a quelques mois de vifs échanges entre les représentant.e.s de la Collectivité et ceux et celles de personnels quand des collègues nous avaient alerté.e.s sur le fait qu’ils et elles avaient été arbitrairement soumis à un régime hebdomadaire de 35h10.

En raison des mêmes divergences d’appréciations exprimées plus haut, le Questeur considérait que les collègues non titulaires étaient en capacité de travailler seulement 35h10 par semaine et donc, de ne pas accroître leur temps de travail annuel du fait de la perte de leurs jours de RTT. Nous avions expliqué, à l’époque en vain, que la plupart des collègues calaient leur temps de travail sur leur charge de travail, et que les non titulaires, toujours sous la pression de la perspective du renouvellent du contrat, étaient encore moins en mesure de limiter leurs journées à 7 heures en moyenne au bureau, sans parler des déplacements.

Finalement, le Questeur a décidé de permettre aux contractuels de choisir les régimes horaires de 35h10 ou 38h10.

Nous aurions préféré qu’ils puissent aller jusqu’aux 39h10, souvent plus fidèle au rythme de travail habituel, mais c’est déjà un progrès.

Les représentant.e.s de l’UNSA ont demandé que ces collègues-là soient particulièrement accompagné.e.s par la DRH pour que leur droit à prendre leurs congés et RTT soit respecté.

Heures écrêtées

La proposition de la Collectivité est de passer d’un lissage sur deux mois à un lissage sur un mois assorti de la possibilité de reporter au maximum 10 heures écrêtées, de mois en mois jusqu’à la fin de l’année civile.

Au final, avec une organisation au cordeau et des variations de charge de travail miraculeusement réparties, il serait donc possible de récupérer 60 heures écrêtées au total sur l’année.

La DRH a fait état des dispositions du décret 2000-815 qui empêcheraient de reporter plus de 10 heures. Vérification faite après la réunion, l’article 6 de ce décret,  modifié par le décret 2011-184 permet d’aller jusqu’à 12h par mois.

Plusieurs heures de débat sur ce point et les heures supplémentaires (celles reconnues par la DRH) ont suivi ces premiers échanges, y compris un échange particulier entre le Directeur général des services (DGS) et une autre organisation syndicale. Le DGS est donc venu une semaine plus tard lors d’une réunion portant sur les ratios et critères d’avancement pour poursuivre ce débat.

A cette occasion, le DGS a rappelé le cadre légal du temps de travail dans la fonction publique territoriale. Il a également précisé une idée qui avait déjà été évoquée par le Questeur : le régime indemnitaire des agent.e.s de catégorie A comptait précédemment l’Indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires qui équivalait à un forfait de 200 heures par an. Ce montant a été intégré dans le RIFSEEP.

Pour les catégories A, le DGS considère donc que la question des heures écrêtées ne se pose pas. Si des agent.e.s dépassent les 200 heures « dues », il faut leur apprendre à s’organiser mieux et à dire non pour rester dans ce cadre.

Pour l’UNSA, nous avons particulièrement réagi à ces derniers mots. Non, il n’est pas possible, dans la plupart des cas, de dire non. Outre le fait que cette façon de reprocher aux collègues leur conscience professionnelle et leur souci de bien faire leur travail nous choque, il nous semble qu’il serait préférable de commencer à apprendre à entendre un non, d’abord de la part du Président puis en cascade de toute la chaîne hiérarchique. Nous avons bien compris qu’il n’était pas à l’ordre du jour de créer des postes, dans ce cas il faut supprimer des missions. Les agent.e.s, nous le répétons inlassablement depuis des années, n’ont pas à payer par leur santé l’irresponsabilité des dirigeant.e.s de cette Collectivité qui décident de politiques à mener sans se poser la question de la possibilité des agent.e.s, en bout de chaîne, de les mettre en œuvre.

Nous avons également réitéré notre demande de prise en compte des heures illégales, au-delà de 10 heures de travail par jour et 12 heures d’amplitude, qui sont censurées par le logiciel de décompte. Une nouvelle fois, les bornes légales n’ont pas été inventées par les organisations syndicales mais fixées par le législateur pour préserver la santé des travailleurs et travailleuses. Là encore, nous subissons une double peine puisque nous devons non seulement mettre notre santé en jeu pour assurer nos missions et les déplacements qui vont avec, mais encore que ce temps de travail n’est pas compté.

Le DGS a répondu à nos remarques en disant qu’il constatait que les agent.e.s qui faisaient le plus d’heures étaient « les plus gradé.e.s » qui ont « plus de capacité de négociation » et qui « se l’imposent ». Dans la mesure où, aux dernières nouvelles, les DGA  ne badgent pas, cette affirmation ne peut raisonnablement porter que sur les directeurs, directrices et chef.fe.s de service. Nous avons déjà évoqué la situation particulièrement délicate de l’encadrement intermédiaire, pris entre le marteau et l’enclume.

Bref, une fois de plus, comme le montre le catalogue de formations, les agent.e.s sont appelé.e.s à se débrouiller pour gérer leur charge de travail et leur stress. Il n’est toujours pas question de considérer ces difficultés comme un problème systémique nécessitant des réponses collectives et globales.

A la fin de cette parenthèse « temps de travail » au sein d’une autre réunion, l’UNSA a demandé au Questeur et au DGS d’envisager des périodes de lissages plus longues qui permettraient aux agent.e.s, puisqu’ils ne peuvent rien attendre de leur employeur, de mieux réguler leur temps de travail, par exemple avec des journées plus légères dans les périodes de vacances scolaires moins denses en réunions et déplacements, ou en fonction des pics d’activité propres à chaque mission. Le Questeur a promis d’y réfléchir.

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