Rapport CAP 22 : des projets d’évolution du service public

Lancé en octobre 2017 par le Premier ministre, le « Comité action publique 2022 » avait pour ambition de proposer un programme visant à repenser le modèle de l’action publique en interrogeant en profondeur les métiers et les modes d’action publique au regard de la révolution numérique qui redéfinit les contours de notre société. Plus d’informations sur le site du Gouvernement.

Pendant l’été, le rapport CAP 22 a été publié. Vous pouvez trouver un résumé du rapport sur le site de la Gazette.

Nous pouvons retrouver ici ou là des faits que nous pourrions écrire dans nos propres publications néo-aquitaines, et notamment les paragraphes qui font état des difficultés et attentes des agent.e.s :

Les agents publics comme l’ensemble des Français sont attachés au service public et à ses valeurs. Ils sont engagés. 77% se disent même prêts à s’investir davantage. Mais ils considèrent que leur niveau d’engagement n’est pas suffisamment pris en compte par leur hiérarchie.
Une forme d’épuisement peut par ailleurs s’exprimer, allant parfois jusqu’à des situations de souffrance. Les agents publics sont en effet soumis à des injonctions parfois paradoxales et pâtissent de devoir eux-mêmes faire des choix sur la priorisation de leurs activités. En effet, les années passées ont été marquées, dans certains secteurs, par des diminutions d’effectifs et de dépenses sans véritable revue des missions ni modification radicale de l’organisation et des méthodes de travail. Dans ce contexte, les agents et managers publics ont été contraints de faire des choix qu’aucune revue des missions ou réorganisation n’avait assumés.
C’est pourquoi ils perçoivent le besoin de changement et de transformation du service public. Ils sont d’ailleurs porteurs d’idées et de projets. Malgré les initiatives prises ces dernières années pour développer les démarches plus collaboratives, les agents publics sont pourtant insuffisamment associés aux évolutions qui les concernent, du fait de modes de travail encore trop hiérarchisés et descendants.
(page 19)

Il est également question dans ce rapport de faire confiance aux agent.e.s et de leur permettre de bénéficier d’un sens pour leur action. Nous en sommes bien loin par ici en dehors de quelques bulles isolées (page 26).

Bien sûr, ce n’est pas parce qu’une partie des difficultés des agent.e.s de la Région Nouvelle-Aquitaine sont partagé.e.s par d’autres fonctionnaires que les représentant.e.s de la Collectivité sont autorisé.e.s à s’en dédouaner : les services de la Région doivent, dans tous les domaines, s’appliquer à faire de la Région « la première qui », « celle qui … le plus », « la meilleure en… », il est évident que l’employeur doit s’astreindre au même niveau d’exigence et d’excellence.

Pour le reste, beaucoup d’éléments avec lesquels nous sommes profondément en désaccord mais qui nous sont largement familières « grâce » à notre Président : le renoncement face aux responsabilités et la remise en cause du statut ou du rôle des fonctionnaires.

Tout d’abord le grand classique : « La dépense publique n’est pas soutenable », version nationale de « Je n’ai pas le choix ». En fait si. Chacun.e a en tête les recettes fiscales auxquelles l’Etat a renoncé, chacun.e a également en tête des dépenses régionales et nationales qui pourraient être supprimées ou réduites. Ces dirigeant.e.s font des choix, c’est leur rôle, le problème est qu’ils refusent de les assumer et essaient de faire passer le résultat de leurs choix comme une évidence contre laquelle il ne peuvent rien et dont les conséquences doivent être entièrement subies par les agent.e.s.

Ensuite, un autre grand classique pour nous « Oui, nous avons confondu en France l’emploi public et le service public. Oui, nous avons dégradé le service public parce que nous avons privilégié l’emploi public, que ce soit au niveau national ou au niveau territorial. » (Article Sud-Ouest). Dans le rapport cela devient :

De la même manière, l’État comme les collectivités peuvent déléguer à d’autres la mise en œuvre des services publics.
L’externalisation a ainsi toujours constitué l’une des manières de rendre le service public. Mais les évolutions technologiques et les nouvelles appétences des citoyens pour une société moins verticale devraient permettre d’amplifier ce mouvement d’ouverture et de décloisonnement.
(page 25)

Sur le reste, là aussi le dogmatisme règne en maître. La palme de la folie gestionnaire, ou du machiavélisme achevé on ne sait pas trop, est attribuée à la proposition de « responsabiliser » les structures (il faut bien que quelqu’un soit responsable) et de prendre en compte plus largement la satisfaction des usagers et usagères. Et donc :

Dans le domaine de la santé, nous proposons par exemple de conditionner une partie des moyens alloués aux hôpitaux aux résultats de satisfaction des usagers.
(page 24)

Donc si vous êtes mécontent.e.s parce que vous avez attendu trop longtemps aux urgences, faute de personnel suffisant, vous aurez le plaisir de pouvoir compter sur encore moins de personnel ensuite.

Si vos usagères et usagers sont des entreprises ou des associations en attente d’une subvention qui ne vient pas parce que les cellules financières concernées sont saturées, pareil. Si ce sont des lycéen.ne.s avides de frites et peu sensibles aux légumes soigneusement cuisinés par les collègues, et bien il suffira de réduire encore le personnel et d’acheter de grandes friteuses… Si vos usagères et usagers sont des collègues en attente d’une simulation ou d’une réponse sur leur carrière qui ne vient pas parce que vous n’avez pas 8 bras et 4 cerveaux, pareil. Etc, etc.

Du grand classique finalement : appauvrir le service public pour rendre la privatisation désirable.

Les 21 propositions qui suivent sont logiquement préoccupantes… Des constats que nous pouvons parfois partager émergent des propositions aux titres parfois séduisants mais qui nous semblent conduire à des effets dévastateurs pour le service public, à la fois dans son existence, sa qualité et son accessibilité à tous et toutes. Au-delà des enjeux évidents comme l’accès à la santé, il existe aussi des propositions plus anodines d’apparence mais très lourdes avec la volonté, par exemple, de confier à des opérateurs privés des missions dans le domaine de la protection des consommateurs et de la répression des fraudes et même de développer l’auto-contrôle (page 108).

  • PROPOSITION 1 | Refonder l’administration autour de la confiance et de la responsabilisation
  • PROPOSITION 2 | Bâtir un nouveau contrat social entre l’administration et ses collaborateurs
  • PROPOSITION 3 | Investir dans le numérique pour offrir un service public augmenté, plus efficient et qui réinvente ses relations avec les usagers
  • PROPOSITION 4 | Assurer le « dernier kilomètre » du service public dans un monde numérique
  • PROPOSITION 5 | Réduire le renoncement aux soins, améliorer l’espérance de vie en bonne santé et désengorger l’hôpital
  • PROPOSITION 6 | Retarder l’entrée dans la dépendance et mieux prendre en charge les personnes concernées
  • PROPOSITION 7 | Simplifier la vie des personnes en situation de handicap et celle de leurs proches
  • PROPOSITION 8 | Réduire les inégalités et placer la France dans les 10 meilleurs systèmes éducatifs mondiaux
  • PROPOSITION 9 | Augmenter et améliorer l’accueil dans l’enseignement supérieur en différenciant l’offre
  • PROPOSITION 10 | Mettre le demandeur d’emploi en capacité de construire sa recherche d’emploi
  • PROPOSITION 11 | Se loger mieux à moindre coût
  • PROPOSITION 12 | Simplifier les dispositifs sociaux au titre de la solidarité nationale et mieux accompagner ceux qui en ont le plus besoin
  • PROPOSITION 13 | Réduire les délais de jugement
  • PROPOSITION 14 | Assurer l’exécution de la totalité des peines d’emprisonnement ferme dans les délais, tout en supprimant la surpopulation carcérale
  • PROPOSITION 15 |Simplifier et diminuer le coût du dispositif de recouvrement des prélèvements obligatoires
  • PROPOSITION 16 | Aller vers une société « zéro cash» pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale
  • PROPOSITION 17 | Concentrer l’offre audiovisuelle publique sur le soutien à la création et l’information
  • PROPOSITION 18 | Supprimer les doublons et améliorer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales
  • PROPOSITION 19 | Renforcer la cohérence de l’action publique territoriale
  • PROPOSITION 20 | Mettre un terme à toutes les interventions publiques dont l’efficacité n’est pas démontrée
  • PROPOSITION 21| Mutualiser davantage l’achat public et développer les externalisations
  • PROPOSITION 22 | Faire payer directement l’usager de certains services publics

Certaines mesures proposées ont déjà fait l’objet de discussions au Parlement, il est prévisible qu’une bonne partie d’entre elles entrent en vigueur dans les prochaines années.

Nous vous invitons à lire dans leur intégralité les 4 premières propositions qui seront probablement celles qui auront le plus d’impact sur les services régionaux.

A suivre…

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