Dans les esprits des représentant·es du personnel et de ceux d’une partie de nos interlocuteurs et interlocutrices, sans doute.
Dans les actes des collègues impliqué·es dans les différentes politiques internes et externes en faveur de l’égalité, assurément.
Dans les faits constatés, clairement, non.
C’est pour cela que ce sujet apparaît explicitement dans les deux préavis de grève intersyndicaux déposés à la Région ces dernières semaines.
Résumé pour les plus pressé·es
Contrairement aux idées reçues, les inégalités salariales existent aussi dans la fonction publique.
Les données dont nous disposons côté syndical ne permettent pas de préciser suffisamment les écarts à la Région Nouvelle-Aquitaine, mais elles nous autorisent à supposer qu’ils existent au-delà de ce qui devrait résulter de facteurs évidents comme les temps partiels.
A l’UNSA, nous pensons que ces inégalités résultent d’un volontarisme insuffisant, qui conduit à se résigner à un état de fait. Cet état d’esprit est contraire à la culture de la Région telle qu’elle se manifeste sur les politiques externes.
D’où viennent ces inégalités salariales ?
Bien sûr, il y a cette idée reçue d’une égalité automatique dans la fonction publique. Ce n’est pas le cas. D’une part, certaines parties de nos rémunérations sont négociables et cela peut générer des inégalités. D’autre part, l’égalité devrait conduire à ce que les femmes et les hommes aient les mêmes possibilités d’évolution effectives dans la Collectivité. Dernier biais, les métiers : la filière technique bénéficiant de meilleurs régimes indemnitaires que la filière administratives en catégorie A, les représentations genrées sur les différentes fonctions peuvent influencer les recrutements et donc la représentation des unes et des autres dans les filières.
Ces points figurent dans le Plan égalité 2024-2026 (à lire ici) et des actions sont menées.
Bien sûr, la Région n’est pas sur une planète à part, donc une partie des inégalités est difficile à corriger. La Région ne peut à elle seule corriger les déséquilibres en termes de parentalité, qui conduisent une partie des femmes à passer à temps partiel et/ou à renoncer à postuler sur des postes à responsabilité, ou les différences d’orientation des jeunes filles et garçons.
Etat des écarts
Le résultat constaté tient en quelques chiffres, qui figurent dans le Rapport social unique (RSU) 2023, à lire dans son intégralité ici.
Note : Au niveau global, la filière technique apparaît avec un salaire plus faible, du fait du nombre d’agent·es dans les lycées, tous et toutes de la filière technique et très majoritairement de la catégorie C.
Il est précisé dans le RSU que la situation s’est dégradée puisque l’écart moyen de rémunération pour l’ensemble des agent·es sur poste permanent est passé de 3,2% en 2022 à 6,15% en 2023.
Pour être honnête, les écarts sont un peu moindres – inférieurs à 5% – au sein de chaque catégorie et filière, mais même là, un seul écart est constaté en faveur des femmes : +10,33 % du côté des agent·es de catégorie B de la filière administrative. Les deux autres écarts supérieurs à 5 % sont favorables aux hommes, avec notamment + 13,9 % du côté des hommes contractuels en catégorie A et au sein de la filière administrative.
L’Index égalité 2024, outil national également, est un peu plus synthétique mais aussi intéressant. Il est également à consulter sur l’intranet. Nous obtenons une honorable note de 89/100, mais nous perdons 2 points sur les écarts de rémunération entre les fonctionnaires et surtout 9 points sur un seul item, noté sur 10, car nous avons seulement 1 femme parmi les 10 personnes les plus rémunérées de la Collectivité. C’est une proportion encore bien pire que celle constatée au sein d’un ensemble « de direction » qui serait composé du DGS, de tous les DGA et délégué·es, du Directeur de cabinet, de son adjoint, du Chef du Service presse et du Directeur de la Communication, où elles sont 5 sur 14 d’après notre décompte. Au vu de la surface des postes et du niveau de responsabilité des 5 femmes concernées, il est difficile à comprendre qu’une seule d’entre elles appartienne au Top 10.
Décryptage des inégalités
Notre objectif n’est pas de parvenir à une égalité formelle absolue dans tous les indicateurs, qui représentent aussi une somme de situations individuelles. Si un jour nous avons 5 hommes et 5 femmes dans le Top 10, nous pourrons parfaitement comprendre qu’une DGA soit remplacé par un DGA à l’issue d’un processus de recrutement aussi égalitaire que possible. Nous serions alors à 6 / 4, ce serait acceptable pour nous. Cela n’aurait pas la même signification que de passer de 3 à 1 comme cela a été le cas entre 2023 et 2024.
En revanche, quand nous avons à la fois une proportion de 9/1 dans le Top 10 et des inégalités de 10 à 20% en filière administrative et près de 14% en catégorie A pour les contractuel·les nous ne pouvons pas considérer que ces indicateurs sont seulement une somme de cas individuels.
D’abord parce que dans une moyenne aussi globale, la filière administrative ressort comme la plus sensible à la question de la négociation des salaires. En effet, la moyenne de la filière technique est très fortement impactée par le nombre d’agent·es des lycées, pour lesquels il n’y a pas de négociation. La négociation de quelques ingénieur·es du siège ne peut pas impacter fortement la moyenne. La conclusion qui s’impose est : les salaires négociables sont plus inégalitaires. [Si vous voulez découvrez ici qu’il est possible de négocier son salaire dans la Fonction publique, ne vous enflammez pas trop quand même… plus d’informations sur le « Comité des rémunérations » dans notre rubrique Questions/Réponses.]
Ensuite, il y a un vrai sujet sur les données qui nous sont communiquées. Au fil des années le RSU a été beaucoup étoffé et est désormais un outil extrêmement intéressant. Néanmoins, il serait possible d’engager un travail spécifique sur les inégalités, indépendamment du RSU, et pour cela des données supplémentaires sont nécessaires. Il nous est répondu invariablement depuis des années que les inégalités sont dues à des facteurs objectivables comme les temps partiels et les différences de fonctions ou d’ancienneté. Or, il nous semble que l’effet des temps partiels pourrait être neutralisé dans la statistique et sur les fonctions… Nous n’avons pas recompté aujourd’hui, mais aux dernières nouvelles il y avait plus de directrices que de directeurs, et les femmes sont moins sous-représentées dans les autres échelons de la hiérarchie qu’au sommet, cela devrait peser sur la moyenne de la filière administrative. Bref, nous pensons que d’autres effets jouent. Non pas un grand complot anti-femmes conscient, mais une addition de biais insuffisamment réinterrogés et contre-carrés. Nous pensons qu’une fois de plus cette politique interne ne bénéficie pas du même niveau d’ambition que les politiques externes. Nous avons du mal à imaginer un·e collègue disant à une entreprise : « Et oui, mais c’est la crise ! ». Non, la Région a une autre culture, plus volontariste et moins résignée.
Nos demandes et propositions
Quelques propositions de l’UNSA :
- Créer un espace de discussion spécifique sur le sujet, qui travaille sur les rémunérations comme sur la carrière et la lutte contre le sexisme ordinaire au travail.
- Mesurer précisément les écarts pour isoler les facteurs des uns des autres et de partager un état des lieux :
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- Comparaison des salaires moyens et des médians par catégorie et par filière en neutralisant les temps partiels ;
- Proportion de représentation sur les postes ou niveau de fonctions où un genre est sur-représenté : assistant·e, responsable des équipes techniques, agent·es de maintenance, membres du comité de direction générale… ;
- Comparaison du nombre de saisines, de réponses positives et de montants accordés par le Comité des rémunérations.
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- Elaborer ensemble – représentant·es de la Région, du personnel mais peut-être aussi d’autres comme les référentes égalité – un plan d’actions ambitieux. Imaginons l’égalité entre les femmes et les hommes comme la lumière au bout du tunnel… de Pau-Canfranc [les « vieux » Aquitain·es comprendront, pour les autres un aperçu du niveau d’engagement ici].
- Mesurer l’impact de chaque décision pour l’égalité. Il est évident que permettre aux collègues en congé parental d’être évaluées même si elles n’ont pas les 6 mois d’activité dans l’année normalement indispensables est favorable à l’égalité. Il n’était apparemment pas évident mais probablement pas inutile, au vu des réactions au moment où l’UNSA a posé la question, d’évaluer l’impact des mesures proposées par la Région sur la reconnaissance de l’expertise. (cf nos précédents écrits à ce sujet ici).
- Sensibiliser aux effets positifs pour tous et toutes des politiques égalitaires. Par exemple, une organisation du travail qui permet de disposer de finir à une heure raisonnable le soir permet aux femmes de se projeter sur des postes à plus grande responsabilité, le permet aussi aux collègues qui ont un activité culturelle, sportive ou militante dense, tout comme aux pères désireux de participer à l’éducation de leurs enfants.